
La poterie d'El Hart n'Iaamine
El Hart n’Iaamine, appelé aussi El Hart n’Imziouen ou El Hart n’Harratine,
est un grand village situé 15 km à l’est de Tinghir, sur la rive gauche de l’Oued Todra. Il est connu pour l’activité artisanale
d’une partie de ses habitants : la poterie.
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Entrée principale du ksar, 1998

Ruelle du ksar, 1998
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Légende sur la fondation d’El Hart n’Iaamine
(d’après Moha Qeddi, considéré en 1999 l’homme le plus âgé d’El Hart n’Iaamine)
On dit que le premier habitant d’El Hart fut un potier nommé Imizi, venu de
Tamegroute (vallée du Drâa) vers le milieu du XVIIIème siècle. Cet homme fut bien reçu par les Ait Hemmi d’Amezrou, qui
lui offrirent un emplacement où bâtir sa maison et un atelier de poterie. Mais quand ses enfants grandirent, les Ait Hemmi
commencèrent à avoir peur d’être dominés par les étrangers et les chassèrent de leur territoire.
Alors la famille de potiers chercha refuge dans un lieu appelé Tinigoumadène. Par
crainte d’un redoutable lion qui ravageait la région à l’époque, ils y construisirent une maison dont la porte était en hauteur et
qu’on ne pouvait atteindre qu’en grimpant sur le mur avec une corde.
Plus tard arriva un frère du potier nommé Mansour et à deux ils bâtirent une maison
plus grande et bien protégée, ainsi qu’un nouvel atelier de poterie. Très hospitaliers, ils accueillirent différentes familles qui
leur demandaient l’autorisation d’habiter près de chez eux. C’est ainsi qu’El Hart n’Imziouen est né.
Quand ce village atteignit la trentaine d’habitations, commencèrent les conflits
avec les Ait Hemmi d’Amzaourou. Alors les potiers appelèrent leurs proches de Tamegroute, qui vinrent les secourir, et El Hart
devint le ksar le plus puissant de la vallée du Todra.
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Entrée secondaire du ksar, 1998

Vente de poterie d'El Hart

Pétrissage de la terre
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El Hart n’Iaamine au début du XXème siècle
En 1930, le lieutenant Beaurpère écrit à propos d’El Hart n’Iaamine :
« Grand ksar de la rive gauche, un des plus grands du Todgha avec Tinghir ;
la population se divise en 9 clans repartis en deux groupes.
1er – Ait Ameur : comprend les Ait Abdelmalek, Ait Mhand Ou Ameur, Ait el
Khoukh, Ikeddaren [potiers] et Ait Chaib.
2ème – Ait Mansour : comprend les Ait Ali Ou Saïd, Ait Ali, Ait Ichou et
Igourramen.
À un certain moment, les harratine d’El Hart étaient soumis à la suzeraineté des Ait
Bou Iknifen (Ait Atta).
Ils sont maintenant indépendants comme les Imazighen des autres ksour.
Le clan des Igourramen groupe les mourabitine des Ait Sidi Mouloud, dont
la zawiya mère est dans le Draâ (Mezguida) et dont une autre succursale est aux Ait Youl des Arba Mia des Ait Seddrat du
Dadès. Ces mourabitine sont au nombre de 30 feux.
Moqqadem : Sidi Mhamd ben Abderrezar.
À signaler la présence de quelques chorfa d’Ouezzan venus s’installer à El Hart il y a
une vingtaine d’années (...). Tous les ans, quelques harratine vont à Ouezzan travailler dans les propriétés des chorfa.
El Hart n’Imziwane compte deux mosquées. Dans la plus grande, on trouve un
tamaris de très grande taille ».
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Moulure des trois minérales |
La poterie d’El Hart
Basée sur la production d’objets d’usage quotidien, surtout de pots à cuisine, la
poterie d’El Hart est connue par son émail naturel ocre. Ils l’obtiennent en mêlant trois
minérales : le quartz (SiO2), le sulfure de plomb (PbS) et un grès argileux qui contient oxyde de fer (Fe2O3).
Comme tous les arts vivants, la poterie d’El Hart évolue avec le temps et s’adapte
aux besoins du marché. Si auparavant ils fabriquaient surtout des pots et des jarres à eau, maintenant ils produisent plutôt des
plats à tagines, des cendriers, des chandeliers et même des foyers pour les feux de camping gaz.
Ces dernières années ils ont commencé aussi à fabriquer des carreaux.
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Boue en repos

Tamisage de la boue

Pétrissage de la terre
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Procès d’élaboration de la poterie
La poterie d’El Hart utilise un mélange de deux sortes d’argiles en proportions
égales. La première vient de la rive de l’Oued Todra et elle est assez fine, avec beaucoup de sable. La deuxième vient d’une colline
proche du village et elle doit être bien tamisée pour en séparer les cailloux qui l’accompagnent.
On mélange l’argile dans une cuvette, on y ajoute de l’eau et on la laisse reposer
pendant 15 minutes. Ensuite, on tamise la boue produite, on la place dans un récipient, on la couvre d’un plastique et on la laisse
reposer toute la nuit.
Le lendemain matin, on pétrit la boue avec les pieds pendant un bon moment.
Plus tard, juste avant de s’en servir, on la pétrit à nouveau avec les mains.
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Travail avec le tour

Travail avec le tour
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Le tour
L’élaboration des différents objets a lieu à l’aide d’un tour, placé dans un trou
creusé dans le sol. Le potier, assis par terre, le fait tourner avec ses pieds. Une fois terminés les objets, ils doivent sécher à
l’ombre pendant un minimum de trois jours avant de les cuire, le soleil du Todra étant trop fort et risquant de les fissurer. On
les laisse au soleil juste un moment avant de les couvrir d’émail.

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Application de l'émail |
L'émail
Pour fabriquer l’émail, il faut moudre d’abord les trois minéraux indiqués plus haut
à l’aide d’un moulin manuel fait en pierre. Une fois réduits en poudre, on les dilue dans de l’eau et on fait couler tout doucement
ce mélange sur les objets déjà chauffés au soleil. Ensuite on les place dans le four.
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Le four

Extraction des pièces du four
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Le four
La cuisson dure entre 5 et 8 heures, suivant les objets. Le four est alimenté de
buissons secs ou bien de copeaux de bois, par un orifice inférieur. Dedans, les objets restent séparés les uns des autres grâce à
des supports en céramique et ils sont recouverts de fragments de vieille poterie. On laisse toujours un petit objet à cuire au
dessus de la vieille poterie et quand il est cuit, le potier sait que les autres le sont aussi et il peut alors éteindre le feu.
Il laisse refroidir un peu le four, il sort les objets déjà cuits et les sépare de leurs supports, qui souvent laissent sur les
objets trois empreintes caractéristiques.

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Copyright © Roger Mimó. Version française : Marc Belin,
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